Braqué puis licencié, le convoyeur fait plier son ancien employeur
26 JANVIER 2017
Braqué puis viré, il a fait condamner, à Reims, le géant mondial du transport de fonds.
Plus encore que les Ardennais, Franck L. n’a jamais oublié le violent braquage à l’arme de guerre qui, le 15 juin 2011 à 8h20, a permis à cinq gangsters de s’emparer d’exactement 1625868€, dans les locaux ardennais de la société Loomis, rue Jean-Baptiste Clément à Villers-Semeuse. Au-delà du choc perpétré par le commando de ce gang expérimenté, armé d’une voiture-bélier, de kalachnikov et de grenades, c’est son licenciement que Franck, 39 ans aujourd’hui, n’a pas digéré. Il a en effet été viré par la société de convoyage de fonds, laquelle a, peu de temps après, délocalisé son entrepôt à Reims.
Mais dans la bataille du pot de terre contre le pot de fer, c’est parfois le premier qui gagne. C’est ce qui vient d’arriver à l’ancien chef local de la Loomis : la chambre sociale de la cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 18 janvier 2017, a donné raison à cet Ardennais aujourd’hui exilé dans le Nord, en condamnant la société à lui verser 100000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 5000 € au titre du préjudice moral. La société devra indemniser l’assurance chômage pour les indemnités versées (dans la limite de six mois) à Franck.
Celui-ci revient de loin. En première instance, les prud’hommes de Charleville avaient donné raison à la Loomis, laquelle estimait que le « manque de professionnalisme » de son cadre a facilité le braquage.
«LA FIN D'UN LONG COMBAT»
Dans un courrier du 11 juillet 2011, elle écrivait que le salarié « a complètement négligé l’aspect sécuritaire », et que « l’accumulation de (ses) carences a grandement participé au succès de l’opération des malfaiteurs ». L’entreprise dénonçait en particulier la somme déposée sur le « passe-charriot », « plus de dix fois supérieure » aux 114000 euros indiqués, sur l’engin, par un simple autocollant…
Les juges de Reims ont, au contraire, démontré l’absence de preuves apportées pour justifier un licenciement disciplinaire. Au fil du jugement, la cour décline les arguments en faveur de l’ancien responsable des entrepôts de Villers et Reims. En 2010, son évaluation pointe ainsi « ses bons résultats et est vide de remarques dans la rubrique Points à améliorer ». En juin 2011, le rapport d’enquête post-braquage « ne stigmatise pas la présence des fonds sur le chariot comme ayant été déterminante de la réussite du vol »(l’assurance de la Loomis n’a rien trouvé à redire sur ce point). En revanche, les enquêteurs ont mis en avant l’absence de « dispositif anti-bélier », un des rares points que la Loomis n’a justement pas reprochés à son salarié !
Au final, c’est donc le géant mondial (21100 employés, dont 3600 en France), qui devra dédommager Franck L. Une victoire pour l’avocat carolo Xavier Médeau. Le spécialiste du droit du travail considérait hier : « Au-delà des importantes sommes d’argent obtenues, c’est la fin d’un long combat judiciaire qui permet de restituer à mon client son honneur professionnel. Aujourd’hui, la vérité du dossier c’est que rien ne pouvait lui être reproché. »4
LES FAITS
15 juin 2011 Vers 8 heures, cinq malfaiteurs attaquent à la voiture-bélier et à l’explosif le dépôt de fonds de la société Loomis, à Villers-Semeuse. Montant du butin : 1,6 million d’euros.
11 juillet 2011 Le chef de l’agence, couvrant la Marne et les Ardennes, est licencié « pour cause réelle et sérieuse ». Il est considéré comme responsable, par ses « carences », du succès du braquage.
18 avril 2014 Le conseil des prud’hommes de Charleville-Mézières donne raison à la Loomis.
18 janvier 2017 La cour d’appel de Reims infirme le premier jugement et condamne la Loomis à verser plus de 100000 euros au salarié licencié.