Claude Choquet relaxé
4 FÉVRIER 2010
«La relaxe s'impose sur l'ensemble des chefs de prévention. L'action civile s'en trouve corrélativement irrecevable » conclut le président du tribunal correctionnel Ludovic Mourgue après lecture de tous les attendus. Applaudissements nourris dans la salle d'audience. Prévenu pour diffamations par écrit sur un forum de discussions virtuelles sur internet, Claude Choquet, le porte-parole des salariés de Lenoir-et- Mernier, a le sourire aux lèvres. Son collègue de la CFDT, Bruno Cuny, secrétaire du syndicat des métaux CFDT et à l'origine de cette plainte, a été débouté.
Me Medeau, avocat de la défense, apprécie aussi cette décision. Les salariés, eux, avouent être encore abasourdis par l'argumentaire fort détaillé et humain que le président de la juridiction a présenté quelques minutes plus tôt en explication à ce jugement. Après avoir rappelé les faits, Ludovic Mourgue a voulu « vérifier si la bonne foi dont le prévenu se prévaut » s'appuyait sur la réunion cumulative de quatre conditions : la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression, la qualité de l'enquête. Estimant que l'analyse des conditions nécessite l'appréhension des circonstances de la diffusion diffamatoire, le magistrat a rappelé le contexte dans lequel la disparition de Lenoir-et-Mernier a mis en péril les ressources de dizaines de familles dans la Vallée de la Meuse.
« La meilleure prévention contre l'escalade »
« C'est là un fait objectif que chacun s'accorde à admettre, la défense des intérêts des salariés menacés constitue d'évidence une juste cause. En s'y investissant, entres autres choses par les articles de son blog, le prévenu a donc agi dans un intérêt légitime ». Selon M. Mourgue, le critère d'absence d'animosité personnelle est aussi rempli. « Aucun élément du dossier ne prête à M. Choquet des ambitions personnelles parasites qui en auraient fait un manipulateur d'opinions. Il appartient à qui le souhaite de juger ses actions excessives, maladroites ou improductives. Il n'en demeure pas moins qu'elles ne procèdent pas d'un dévoiement malhonnête ». S'agissant d'un langage manifestement corrosif, le président pense qu'il ne saurait être question de raisonner dans l'absolu et de se demander si, en soi, les termes « chacal », « vautour » et « hyène » sont excessifs. « Ce n'est que sur la trame de fond que l'on doit rechercher si le seuil de l'acceptable dans l'expression a été franchi ou non ». Conclusion du juge : « Cette détresse a clairement provoqué un sentiment de révolte que, quelle que soit son opinion, tout un chacun ne peut que comprendre. Il est juste et sain pour la paix publique de laisser largement s'exprimer sans crainte de répression les discours qu'un tel sentiment suscite. Cette liberté d'expression est la meilleure prévention contre l'escalade ».
Et pour finir : « Effectivement, le SMA-CFDT et M. Cuny sont attaqués mais uniquement au sujet de leur attitude dans le conflit social. Aucune allusion à la vie personnelle ou à des événements étrangers à la crise économique ne figure ».
Les parties poursuivantes qui avaient demandé une condamnation à l'euro symbolique ont dix jours pour faire appel de ce jugement. Leur absence, hier, à l'audience ne nous a pas permis de les faire réagir sur cette affaire.
« C'était la vérité des salariés »
Innocenté, Claude Choquet n'en a pas pour autant fait des tonnes au terme de ce délibéré. « C'est une grande victoire pour les salariés car ce qui était sur le blog reflétait l'expression collective des salariés. C'était leur vérité. Et le jugement qui vient d'être rendu conforte l'idée que ce syndicat a voulu nous exclure des négociations. Il n'y avait là rien de diffamatoire dans nos propos. Ceux-ci étaient le fruit de nos actions… ». Me Medeau, avocat de la défense, appréciait aussi cette décision. « C'est important pour la liberté d'expression qu'on puisse librement critiquer l'attitude d'un syndicat qui, dans ce conflit social, ne s'est pas conduit conformément à l'attente des salariés ».
Claude Choquet ne veut pas pour autant se contenter de ce premier résultat. « Maintenant, nous
attendons impatiemment la prochaine étape qui devrait être le jugement de notre ancien PDG, Philippe Jarlot. Désormais, ça ne devrait plus tarder. Et j'espère qu'il y aura au bout une condamnation à la hauteur du préjudice subi par les employés de Lenoir-et-Mernier dont 80 % sont toujours sans emploi durable et bientôt en fin de droit ».